Lettre 003
18 avril 2021
Cher Hippocrate,
Je sais que la médecine est là pour mon bien, mais tout de même, certains actes sont parfois un peu barbares. Déjà, qui est le sadique qui a inventé le pschit-pschit pour désinfecter les bobos ?! Ca fait pas mal qu’on te dit. Tu parles ! Je ne l’ai pas senti le tesson traverser mon doigt. Par contre, en ce qui concerne le désinfectant, j’ai tellement douillé que j’ai enchaîné trois valses, cinq gigues et huit pasodobles, le tout en chantant « I will survive ».
J’avais prévenu le Lapin de Pâques que je lui raconterai mon intoxication alimentaire. D’une chose à l’autre, je n’ai pas eu l’occasion de le faire. C’est donc à toi que je vais décrire cet évènement, puisqu’il m’a conduit à côtoyer le secteur médical plus d’une fois, durant presque six mois. De ce fait, attends-toi à recevoir plusieurs lettres de ma part, contenant chacune un épisode forcément plus hilarant que passionnant.
Cher père de la médecine, j’ai une peur panique des prises de sang. Je sais que c’est idiot, que ce n’est pas la petite aiguille qui va manger la grosse (hein ?!), que je perds plus d’hémoglobine durant mes lunes, et patati et patata. Mais c’est comme ça ! Ce ne sont pas les aiguilles que je crains, c’est juste que je suis un peu comme Buffy, les vampires, j’ai tendance à leur jeter des gousses d’ail au visage.
Avant que le diagnostic ne soit posé, j’ai eu droit à une batterie de tests, dont une analyse de sang XXL. Je n’avais jamais vu une ordonnance au format A3. Le pire, c’est que j’en avais deux. Parce que si tu es le père de tous nos médecins, tes enfants ne s’entendent pas forcément. Pierre ne voulant pas partager ses résultats avec Paul… Tu aurais dû voir l’air exaspéré de la laborantine. Cette dernière, ayant pris connaissance de ma phobie, a eu la gentillesse de préparer son matériel en énumérant à haute et intelligible voix, le nombre de flacons qu’elle allait remplir de mon fluide vital.
J’ai omis de préciser que j’étais à jeun, que j’ai toujours eu une glycémie basse et que j’ai attendu plus d’une heure dans le hall avant que ce soit mon tour. Pas besoin d’observer les pigeons pour deviner que cette affaire ne s’annonçait pas sous les meilleurs auspices.
Cependant, j’ai tout de même cru un instant que le sort me serait favorable, lorsque la trop bavarde soignante m’a piqué le bras avec une aiguille pour enfant. Eh non ! J’ai eu droit à tous les détails techniques, des fois que j’envisage une reconversion dans la médecine. Ma veine a bien été percée, par contre dans le tube, rien, le vide, le néant, que dalle ! Sur ce, la laborantine est passée à l’autre bras. Heureusement que je ne suis pas un poulpe… Elle a ensuite opté pour une aiguille normale et cette fois-ci a réussi à me piquer de façon approximative. A croire que mon sang s’était transformé en boudin. Lorsqu’elle m’a conseillé d’utiliser de l’alcool pour atténuer mes hématomes, je lui ai demandé combien de verres. Elle a paru choquée, ça m’a détendue environ vingt-trois secondes.
Alors que ma vue se troublait de dizaines de moucherons et que je commençais à suer comme si j’avais couru sur une dizaine de mètres (pour la grande sportive que je suis, c’est déjà beaucoup), j’ai senti l’aiguille quitter ma chair. A cet instant, je me suis levée d’un bond, prenant la direction de la sortie sans demander mon reste. J’ai compris que ce n’était pas l’idée du siècle lorsque mes jambes ont stoppé nettes mais pas le haut de mon corps. J’ai vu le moment où mon crâne allait heurter la portière de la voiture, sauf que dans un dernier réflexe de derrière les fagots, j’ai réussi à amortir ma chute. Vu de l’extérieur ça devait être un spectacle d’une grâce…
Cher Hippocrate, la médecine moderne est une bénédiction, mais il faudrait peut-être penser à innover un peu. A l’air de la wifi et de la 5G, il doit bien y avoir moyen de faire des analyses de sang sans prise de sang.
A suivre…
Crédit photo : Ewa Urban sur Pixabay.