Lettre 017: Cher Père Noël

Lettre 017

30 novembre 2020

Cher Père Noël,

Ce midi, le manchot s’est régalé avec ma quiche endive-saumon fumé. Il a cependant émis l’hypothèse que cela aurait été meilleur avec de la truite. Dès sa phrase prononcée, il s’est immédiatement plaqué les ailes sur le bec. Depuis l’évènement de l’été dernier, nous évitons d’aborder ce sujet.

Et si nous allions à la pisciculture en famille ? Ça commence comme un spot publicitaire des années 80 pour un jeu de société, et ça finit comme un sketch de Mister Bean. Nous voici donc, par un bel après-midi ensoleillé, en route pour pêcher la truite. Le manchot, excité comme une puce, avait fière allure avec ses lunettes de soleil et son chapeau de paille. J’ai eu beau lui expliquer qu’en Provence nous portions des casquettes comme tout le monde, il n’en a pas démordu, tombant dans le cliché du touriste bobo parisien.

A la base, le concept était pourtant très simple, s’installer sur un ponton vide, prendre sa canne à pêche, ferrer le poisson, lui mettre un coup de gourdin. Certes, la fin est un peu barbare, je le concède. Mais entre l’élevage et l’assiette, il y a rarement mort naturelle. Cause du décès : Rêvait de finir en hachis Parmentier. Avec les nouvelles règles de distanciation, pas évident de trouver un ponton de libre, ça faisait la queue derrière nous. Tu connais le Gaulois et sa patience légendaire. Nous avons eu droit à un concert de « han », « hum », « pfiou », « rho », « tss ». J’avais envie de gueuler « I’m a Scatman ! »

Bref, le manchot ouvre les hostilités et nous donne une leçon magistrale. Applaudissements de l’assemblée. Qu’il est mignon lorsqu’il rougit ! Sans vouloir me vanter, je ne me suis pas trop mal débrouillée, mais j’ai tout de même délégué la dernière étape. Sache que le manchot n’a pas besoin de gourdin, un coup d’aile derrière la nuque et on n’en parle plus. J’ai bien noté de ne jamais lui montrer « Kung Fu Panda », ça pourrait lui donner des idées.

La situation a commencé à se dégrader lorsque ma mère, se croyant à la pêche à la mouche, ou plutôt en train de pêcher les mouches, s’est mise à mouliner du bras, faisant voler la canne au-dessus de sa tête. Je trouve qu’à son âge le piercing au nez c’est une fantaisie encore acceptable.

Normalement chat échaudé craint l’eau froide, mais nous on craint dégun. Marine a donc fait son entrée en scène. Père Noël, je peux te dire que maintenant, je crains même l’eau chaude. Donc, la cadette, qui a juré mille fois qu’elle ne tuerait point de poisson, en ferre un et prise de panique, se met à crier et à tourner en rond, la canne en l’air. Tu connais le manège des chaises volantes ? La pauvre truite en a fait dix tours. Tous aux abris ! Fuyez pauvres fous ! Ni une, ni deux, avec le manchot nous nous sommes jetés à terre. Quand le calme est revenu, Chucky… euh, Marine, se transformant soudainement en Rambo, s’est saisie du gourdin et… ça a fait des Chocapic ! Depuis, je sais comment on fabrique les Croustibat.

Le ridicule ne tue pas et il a même un avantage, il fait fuir le Gaulois râleur. Nous avons eu le ponton de disponible pour tout le reste de l’après-midi. A la sortie, on nous a même offert les truites avec pour recommandation de ne plus revenir.

Cher Père Noël, je dois te laisser car je m’inquiète. J’ai autorisé le manchot à traverser la route pour pêcher le silure dans le Rhône. Je ne suis pas certaine d’avoir, encore une fois, eu l’idée du siècle.

Comme dirait le manchot di congelo, des baisers du bout du bec à tous.

A très très vite.

Crédit photo : langll sur Pixabay.

Publié par melaniebonnotauteure

Auteure et chroniqueuse littéraire.

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