Lettre 021 : Cher Père Noël

Lettre 21

08 décembre 2020

Cher Père Noël,

En cherchant des photos de notre mariage pour les envoyer à la belle-grand-mère, qui à l’époque avait décliné l’invitation pour un rendez-vous chez le dentiste, je suis tombée sur des clichés de notre ancien aquarium. J’adore les animaux mais les poissons ce n’est pas vraiment ma tasse de thé. Il faut dire qu’ils ont la fâcheuse tendance à mourir la nuit, sans buller gare. Tout cela me rappelle que la benjamine a gardé un poisson rouge durant pas mal de temps.

Bubulette ! Je suis vraiment la seule douée d’un minimum d’imagination dans cette famille. Parce que si tu te souviens bien, avant nous avions eu droit à Bubulle. Heureusement que mes parents ont mis le holà, parce qu’après on aurait surement eu Bubulasse, Bubu-roi, Bububububu (en hommage à la Super 5 du père et son démarrage au starter). Bref, il est bien connu que la Bu, c’est toujours trop !

Comme tu le sais, j’ai commencé à travailler dès ma majorité et j’embauchais tôt, beaucoup trop tôt à mon goût. Tous les matins, je me levais la première, ayant pour consigne de faire le moins de bruit possible. Mais comme je suis Verseau ascendant éléphant dans un magasin de porcelaine, c’était la plupart du temps peine perdue. Chaque jour la même routine, une gamelle de céréales pour le chat et un bol de croquettes pour moi. Puis me préparer, embrasser ma mère beurrant ses tartines, prendre les clés de la voiture, me faire héler par ma mère, repartir dans ma chambre pour enfiler une paire de jeans à la place de mon pantalon de pyjama, être en retard. Quand je te dis que je ne suis pas une lève tôt !

Sauf qu’un matin, j’ouvre… non, je me tamponne la porte du salon puis je l’ouvre, et je tombe nez à nez avec Bubulette sur le sol, le chat à ses côtés miaulant que cela serait dommage de gâcher. Pas une goutte d’eau sur la scène du crime, ce sadique de chat devait jouer avec la pauvre bête depuis belle lurette. A 6H30, mon premier réflexe a été de réveiller ma mère pour lui annoncer la mort de l’animal de compagnie de la benjamine, assassiné par le chat de la cadette. Ne me demande pas pourquoi sur l’instant j’ai cru que ma mère avait un quelconque don pour les résurrections.

Désolation face à la dépouille de Bubulette, conseil de famille très réduit, décision est prise de la mettre en bière dans la poubelle, le moyen le plus simple et efficace pour qu’elle finisse dans l’océan. Parce que dans les chiottes reliées à la fosse septique, au plus loin des drains ça va dans le jardin au niveau du figuier. C’est alors qu’il s’est produit l’impensable. Ma mère s’est saisie d’une balayette et poussant Bubulette dans la pelle, cette dernière est revenue à la vie. Bubulette évidemment, pas la pelle, on n’est pas dans la Belle et la Bête non plus.

Joie, bonheur, soulagement ! Parce que nous n’avions pas encore solutionné la question de savoir quelle vérité arrangée annoncer à ma frangine encore enfant. Cependant, le sort ayant décidé de vraiment se foutre de notre gueule, voilà pas qu’une fois remis à l’eau, le poisson coule sauf de la tête et qu’il se met à nager droit comme un i, ondulant seulement de la branchie droite. Le chat s’est mis à miauler qu’on aurait dû le laisser finir le boulot au lieu de lui balancer une pantoufle. Le lancer de pantoufle, sport favori de ma mère qui vise comme un borgne de dos, l’œil bandé, de nuit et par brouillard à couper au couteau.

Mais revenons-en au poisson hémiplégique qui, au grand désespoir du chat, a totalement repris ses esprits. A notre grand étonnement, il n’est pas mort la nuit d’après, ni la suivante, ni toutes les autres durant longtemps. Ma mère l’a rebaptisé Jésus. Mais de peur qu’il ne se prenne pour Moïse sauvé des eaux, elle couvrait l’aquarium, tous les soirs, avec une grille du four et le dictionnaire.

Ce jour-là, je suis partie travailler sans déjeuner et en pantalon de pyjama. C’est que je me voyais mal dire à mon patron que j’étais en retard car n’écoutant que mon sens du devoir, je m’étais dévouée corps et âme au sauvetage d’un poisson rouge.

Cher Père Noël, je dois te laisser, le manchot s’est coincé l’aile dans la porte du congélateur et il réclame un bisou magique.

Des bisous magiques pour vous tous !

A dans quelques temps !

Crédit photo : colbicrook5 sur Pixabay.

Publié par melaniebonnotauteure

Auteure et chroniqueuse littéraire.

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