Lettre 25
16 décembre 2020
Cher Père Noël,
Comme tu le sais, mon cerveau est alimenté par un réacteur nucléaire. Du coup la nuit, dans ma tête y’a le lapin rose des piles Duracell qui joue du tambour et le gars de la pub pour Juvamine qui font la fête. J’imagine que tu te souviens de cette publicité lobotomisatrice. « Si juvabien, c’est Juvamine ! Si juvabien, c’est Juvamine ! Si juvabien, c’est Juvamine ! » NON JUVAPASBIEN ! JUVEUX DORMIR ! Pardon, je m’emporte. Donc la nuit, après avoir compté les moutons qui se trouvent sous le lit, et Dieu sait combien ils sont nombreux, je me pose des questions existentielles. Comme me demander quelle serait la réaction des gens si tu venais à ne pas passer cette année. Avoue que c’est quand même la question à un million d’euros. A : Le monde entier va s’inquiéter pour toi. B : Le monde entier va se retourner contre toi. C : Moitié de A et moitié de B ou D : La réponse D ! Ne me demande pas la réponse, moi je suis comme Jean-Pierre je me contente de poser les questions. Si j’avais les solutions aux problèmes, tu crois vraiment que mon mari passerait ses journées à transporter du PQ pour les autres tarés.
Ce dernier, mon mari pas le papier toilette, me répète sans cesse que la nuit c’est fait pour dormir. Mais je ne demande que ça ! J’ai même essayé les somnifères. C’est d’ailleurs de cette façon que j’ai appris que ce sont des hypnotiques et qu’ils possèdent un pouvoir hallucinogène assez conséquent. Au début cela fait vraiment bizarre de trouver cela tout à fait normal de voir des ananas danser la chenille au-dessus du lit. Mais c’est comme tout, on finit par s’habituer. Pas besoin de fouiller les bouses de vache à la recherche de psilos, quand il suffit d’aller à la pharmacie. Dire que certains dépensent des fortunes pour se droguer, là où on peut le faire légalement et au frais du contribuable.
Comme à chaque fois que tu as un pet de travers, tout ton entourage se trouve soudainement diplômé d’un doctorat de chez Doctissimo. Lorsque tu dis que tu prends des somnifères, tu entends deux conneries universelles. La première : « Mais ça ne t’assomme pas ? Car la sœur de la cousine de ma tante que si elle en avait ce serait l’oncle d’une amie, elle était dans le coton toute la journée. » Mais la deuxième, c’est le pompon sur la Garonne : « Si tu en prends un jour, tu en prendras toujours. » J’ai arrêté au bout d’un an et demi et quasiment du jour au lendemain.
Cependant, la raison de cet arrêt brutal est digne d’un film d’épouvante. J’ai fini par développer de la paralysie du sommeil. Késako ? A peu près la même chose que de reprendre connaissance le lendemain de ton enterrement. La première fois, je me suis réveillée avec une forte envie de faire pipi. J’ai ouvert les yeux et… rien ! Mon cerveau a envoyé l’information à tous mes membres mais aucun n’a répondu. Pour une fois que mon corps faisait une nuit complète, j’ai trouvé le moyen de vouloir le réveiller mais pas de le faire. Ainsi donc, je me suis retrouvée l’esprit totalement éveillé mais tout bonnement incapable de bouger autre chose que mes paupières. Même pas un petit râle ou un petit grognement. Là dans le noir, parfaitement immobile, j’ai pris conscience que j’allais me pisser dessus et que comble de l’ironie, malgré le somnifère je ne dormais pas.
Heureusement que j’étais bien paralysée. C’est très étrange d’écrire cela tout de même. Je n’ai jamais entendu un paraplégique s’écrier : « Merci à ma bonne étoile pour cette paralysie ! » Enfin, j’ai une circonstance atténuante, ça m’a permis de ne pas faire pipi au lit à vingt-cinq ans. Le problème c’est que j’ai échangé la peur de ne pas dormir par celle de le faire. Le médecin, un vrai qui a son doctorat et pas un qui a un badge de super fan sur la page Facebook du Vidal, a décrété la fin du traitement. Au grand regret de mon mari, qui aimait m’entendre délirer en m’endormant. Pourvu qu’il ne lui prenne pas l’idée de vouloir t’écrire.
Cher Père Noël, j’ai donc renoué avec mes insomnies et ne crois pas que quand par miracle je dors, les nuits soient calmes. Je souffre de terreurs nocturnes. Ainsi, il arrive fréquemment que je me retrouve assise dans le lit en train de hurler. C’est parfois assez cocasse, comme la fois où lorsque mon mari m’a demandé ce qui m’arrivait, j’ai répondu qu’il y avait des dragons dans ma tête.
Cher Père Noël, je ne sais pas si les nuits tous les chats sont gris, mais je te certifie que pour moi, elles ne sont pas de tout repos.
Bordez-vous bien !
A dans, je ne voudrais pas te mettre la pression mais ça ne va pas tarder.
Crédit photo : Septimiu Balica sur Pixabay.