Lettre 001
6 novembre 2022
Cher Père Noël,
Je suis si excitée que l’on reprenne notre correspondance hebdomadaire. Cette année encore, j’ai pas mal de choses à te raconter.
Comme le veut la formule consacrée, j’ai été bien sage et patati et patata. Okay, c’est pas tout à fait vrai, mais que veux-tu, chassez le naturel et il revient au galop. En ce qui me concerne c’est même triple galop 7, ceinture noire troisième dan, échec et mate-moi Gandhi.
Admets que j’ai des circonstances atténuantes, on ne choisit pas sa famille, encore moins sa belle-famille. Ce n’est quand même pas de ma faute si après 300 jours à cumuler les bons points, j’ai été piégée par la Karma police. Un appel de La belle-grand-mère adorée, alias Le Diable s’habille en Damart, et c’est le drame !
Voilà pas qu’elle souhaitait venir passer les fêtes de Noël chez nous, parce qu’elle estime que ça sent le sapin. J’ai hésité à lui conseiller d’arrêter de sucer la Vosgienne. (Ben quoi ?! Le bonbon évidemment.) Comme La belle-grand-mère adorée possède le talent, que dis-je, le don d’enquiquiner son monde (Je reste polie pour redorer le blason de mon karma.), il fallait en plus que je lui trouve un train. J’ai donc téléphoné à la SNCF…
Cher Petit papa Noël, c’est une honte ! Point de train pour Tombouctou, ni de crime de l’Orient-Express prévus pour la période des fêtes. Encore moins de grève de la CGT ou de rupture de caténaire immobilisant le train du 23 décembre au soir jusqu’au 26 au matin, en rase campagne, dans une zone blanche où l’on aurait aperçu une meute de loups. Alors oui go, elle viendra.
Prenant le taureau par les cornes (pas mon genre de lui prendre la queue et les oreilles), j’ai décidé de me ressaisir et d’élaborer un menu digne de ce nom. Le pudding à l’arsenic m’a posé quelque peu problème. Il n’est pas simple de trouver tous les ingrédients en période de pénurie. Alors que je réfléchissais au choix cornélien de l’entrée, à savoir si je servais au Diable s’habille en Damart un cheveu sur la soupe ou une couille dans le potage, mon téléphone a sonné. Encore elle ! À croire qu’elle est équipée de sonotones à ondes longues qui captent les fréquences à plus de 1000 kilomètres à la ronde. On devrait la resurnommer (J’en invente des mots.) le rorqual du mont Saint-Michel. Je peux te dire que les Bretons le donnerait direct aux Normands.
D’une voix de chevrotine à plomber le moral de tout un temple bouddhiste, elle s’est mise à entonner sa litanie de la mort du cygne. Ballet dont elle ne nous ménage jamais, et auquel j’assiste depuis bientôt quatorze ans. Autant te dire Père de Noël, que le tutu est trop court, je connais donc par cœur chaque rond de jambe et emplacement des varices.
Maiiiiiiis, parce qu’il y a un maiiiiiiiis (c’est peut-être pas le même, j’ai la flemme de compter les points sur les i). Donc, je disais que d’un coup tout a basculé, elle a décidé, telle Mercure rétrogradant, de faire machine arrière et de se rendre chez son autre petit-fils. Lui raccrochant poliment au nez (J’ai quand même balancé un adieu avant de raccrocher.), j’ai immédiatement rappelé la SNCF pour faire changer le billet. Évidemment, moyennant un don d’organes d’un rein et demi. Mais qu’importe, rien n’est trop beau pour réunir ma belle-famille… loin de moi.
Cher papa Noël, depuis le temps que l’on se connait, tu te doutes que je n’en suis pas restée là. J’ai donc contacté la CGT pour les prévenir qu’ils n’avaient pas intérêt à faire grève entre le 23 et le 26 décembre, car sinon j’allais débarquer et dégommer la trêve des confiseurs. Non parce que non mais hein bon oh d’abord, moi aussi j’ai un gilet jaune… (quelque part dans ma voiture) puis deux triangles et un cric… et même une roue de secours que c’est pas une galette (ni bretonne, ni normande). Je crois qu’ils ont compris que je ne suis pas une fille facile.
Cher Père Noël, quelque chose me dit que cette année encore, rien ne va se passer comme prévu. Mais si on se marre, on n’aura pas tout perdu.
Je vous embrasse tous très fort !
Mél.
Crédit photo : Willgard Krause sur Pixabay.