Lettre 002
7 novembre 2021
Chère Mère Noël,
S’il est de coutume d’adresser en fin d’année une missive à ton époux, j’estime qu’il ne possède pas le monopole de la correspondance. Non mais ho, ho, ho ! (J’avoue qu’elle était facile.)
Chère Mère Noël, à toi, sur qui le temps n’a plus d’emprise, il faut que je dise combien j’ai peur de vieillir. C’est un concept génial sur le papier. Or allume la télévision durant la coupure pub de « Questions pour un champion » et tu prendras conscience que la réalité est carrément moins glamour. Du coup, j’essaye de me rassurer comme je peux et j’attends les publicités du samedi aux alentours de minuit avec une certaine impatience. Mais si voyons, souviens-toi ! Manix, Durex, et tout plein de marques qui rapportent des points au Scrabble, tout en empêchant d’en gagner au Morpion. Sauf que parfois… enfin souvent… bon d’accord, presque toujours, je m’endors sur le canapé bien avant. La jeunesse me quitte, j’ai envie de pleurer.
Le pire, c’est quand en pleine discussion avec mes parents, j’ai un flashback et que je me revois enfant, lorsqu’ils tenaient les mêmes conversations avec mes grands-parents. Là, je prends un sérieux coup de bambou. De plus, dès qu’ils rendent visite à des amis, quelqu’un meurt. On se croirait dans « Arabesque » (que les moins de trente ans ne peuvent pas… Ô malheur !).
Sainte patronne du pôle Nord, tu devrais voir mes parents (source inépuisable d’anecdotes) parler des joies de la cinquantaine. Ménopause, mammographie, test du caca… Test du quoi ? Non, ta cataracte ne te joue pas des tours, tu as bien lu. La matriarche n’appelle pas cela un kit de dépistage du cancer colorectal. (En même temps, c’est pas Versailles ici !) Elle utilise une désignation nettement moins classe, qui a le mérite de ne pas tourner autour du pot… de chambre. On enchaîne avec les dents qui se déchaussent, le cholestérol qui monte alors que la vue baisse. Sur ce débarque ma sœur qui demande si notre père devenant presbyte a pensé à se faire prescrire du Prostamol. Lorsque ma mère a servi le thé à seize heures (Pouët-pouët les Anglais sur l’heure sinon je parle du Brexit.), j’ai opté pour une vodka.
Je charrie, je charrie, mais après tout vieillir c’est top parce que ça t’autorise à faire suer les gens en toute impunité. Par exemple, tu peux te rendre au supermarché le samedi matin, remplir un caddie comme si tu accueillais tout un camp de réfugié chez toi, puis payer par chèque à la caisse en présentant une pièce d’identité papier tellement élimée que la caissière a l’impression de se retrouver dans « Jurassic Park ». Tu as aussi le devoir de rouler à vingt kilomètres par heure sur la nationale, en pleine gauche, dans ta voiture cinq étoiles à l’Euro NCAP. Si tu n’es toujours pas convaincue, sache qu’un pharmacien ne te posera aucune question si à quatre-vingt ans tu sors une liasse d’ordonnances épaisse comme la Bible. Par contre, on demandera forcément à un jeune de seize-ans qui vient pour une boite de Doliprane s’il compte jouer un mauvais remake de « Breaking Bad ». (sic)
J’ai toujours affirmé que vieillir était une bonne chose car cela signifie que nous sommes en vie. Alors certes les rides, les cheveux blancs, la fesse flasque et les seins qui subissent les effets de la gravité, cela ne plait guère à la gent masculine. Cependant, sachez messieurs qu’une jeune femme qui hurle telle une truie alors que vous faites de la poudre et tirez à blanc ne jouit pas, elle simule.
Chère Mère Noël, il y a quelques années j’ai passé le cap des vingt-sept ans (ouf !). L’an prochain, je vais avoir l’âge du Christ. Je ne te cache pas que cela m’angoisse quelque peu. Disons que la passion, je préfère la vivre en croquant la pomme de mon Adam plutôt qu’en trainant ma croix.
Je vous envoie des baisers enrobés de sucre glace.
A bientôt !
Mél.
Crédit photo : marijana1 sur Pixabay.